Vous le savez peut-ètre, Antoine est aussi natif de
Madagascar.
Rentré en France pour ses études, il optait pour "Centrale". Mais non ce n'est pas une prison, pas plus qu'une centrale d'achat, c'est une prestigieuse école.
Grosse tète d'intello, il aurait pu ètre betsiléo (Betsiléo: Natif de Fianarantsoa).
Mais recadrons le sujet s'il vous plait. Tendre enfance à ANKAZOABO (La ou les arbres sont hauts - Azo: bois, Abo: haut) dans le sud, un peu au nord de Tuléar (Toliara), Le pays des "VEZO" (Ne pas prononcer le O).
Le pays des "BARALA". Les vézos, de bons marins (Vezo: Pagailleur), les baralas
plutot voleurs de boeufs (Dahalo - on ne prononce toujours pas le O). Fallait bien vivre hein!
Faut dire aussi que le jeune barala qui n'avait pas volé au moins deux boeufs avait les pires difficultés pour trouver à se marier.
C'était le fomba barala. Us et coutumes de la région quoi. Voyez bien sur la photo, il a deux sagaies sur l'épaule. Armes de disuasion.
Etudes primaires et secondaires au Lycée GALLIENI de Tananarive (ANTANANARIVO) la capitale. Comprendre: "Les mille villages".
Tanana= village, lieu dit,...arivo= mille. Dites tout simplement TANA.
Ah! le lycée Galliéni, ce bahut ou on craignait plus les pions que les profs. Va falloir que je vous en parle un de ces jours tiens. Dix années d'internat, ça marque. D'excellents copains,
comoriens notamment.
Autre carte de Madagascar + photos.
Sur cette autre carte, vous situerez "Marovoay" tout à coté de "Mahajanga" (Majunga). Maro (Beaucoup), voay (Caiman). Il y a
effectivement dans le coin une réserve ou les caimans abondent, sous controle tout de mème. Ils se marchent les uns sur les autres mais sans conséquence
pour le touriste en visite. Vous notez en passant que la désignation d'une ville ou d'un village fait habituellement référence à une caractéristique
de cet endroit. Par exemple: "Tsaratanana". Tsara (Joli, beau, bien..) Tanana (Village, lieu dit...). Vous découvrez Tsaratanana dans le nord juste en dessous du point culminant de
Madagascar (2876 m). Profitez'en pour situer tout la haut les "Iles glorieuses" dont on parle peu et
parmi les iles des Comores celle qui sera restée française par référendum, "MAYOTTE" et sa capitale "Dzaoudzi". Je crois constater
que depuis quelques années Madagascar s'ouvre au tourisme, et ça c'est une bonne nouvelle pour qui est à la recherche d'évasion, de paysages,
de fonds marins et de plages fabuleuses.
Madagascar 2012 - Tana, Majunga (A la caméra: C. Bourakoff)
Une journée ordinaire sur la route Tuléar - Ankazoabo.
Elle peut faire sympa comme ça cette piste à travers la brousse mais de nuit je peux vous dire qu'on n'est plus tout à fait de cet avis.
Je m'explique.
Nous étions descendus à Tuléar mon père et moi avec la jeep (Une willis). Ce jour la, vers 15h, il décide soudainement de rentrer sur
Ankazoabo. Généralement nous quittions tuléar tot le matin pour ètre rendu dans ankazoabo en milieu d'aprés-midi!
Eh bien cette fois la, non, il fallait rentrer dare-dare. Son adorable petite femme, ma maman par voie de conséquence, commençait vraisemblablement à lui manquer.
Les cents premiers kms passent sans problèmes. Nous perdons un peu de
temps à Sakaraha chez la mère Billot. Mais c'était pour la bonne cause puisqu'elle était ma maraine. Nous reprenons la route sur
la nationale 7 (Eh vouiii, nous avions notre nationale baptisée depuis N7). 20 kms plus loin, nous quittons la N7 pour une piste
s'engageant sur la gauche en direction cette fois d'Ankazoabo.
La nuit tombe. Et quand j'écris la nuit tombe, elle tombe. A peine dix
minutes pour réaliser que maintenant il ferait noir. Et les emm.... commencent. Les phares donnent des signes de défaillance.
Et ça, pour rester sur la piste, c'est pas bon. Arrive l'instant ou mon Gaby (C'est toujours mon papa chéri) arrète la jeep et se tourne
vers moi pour me dire "Tu prends le volant, je n'y vois rien". J'avais seize ans. Devant mon expression un peu interloquée,
il rajoute "Si tu nous sorts de la, promis juré tu passes ton permis dés 18 ans". Et me voila au volant de la jeep que je connaissais
quand mème bien pour l'avoir fréquemment pilotée en brousse. Nous repartons, mais cette fois sans phares.
A minuit moins vingt ce n'était pas ce qu'il y avait de plus confortable, mème si il nous arrivait de profiter dans cette région
de magnifiques clairs de lune.
Si ce devait ètre un problème de batterie, il fallait en effet l'économiser. Mon assistant de père éclairait donc
la piste à l'aide d'une lampe torche.
La, dans le cercle de lumière, des pistes? il y en a partout. Pas vraiment ce qui apparait sur la photo.
Dans les choix qui s'offraient à moi, mon père ne pouvait mème pas me conseiller puisqu'avec ses lunettes il y voyait avec
difficultés.
Photo de la TABLE en approche de TULEAR . Tuléar derrière la Table en bord de mer .
Photo empruntée à Freedom Island sur FB . Allez-y ,
une série de superbes photos . Vous pouvez aussi cliquer sur la photo . Et plein écran s'il vous plait .
Alors! c'était à l'intuition, au pifomètre, au doigt mouillé comme on dit. Je choisissais, un coup à droite, un coup à gauche
un coup tout droit mais quand un tronc d'arbre abattu surgissait dans l'éclairage de la lampe,
quand ce n'était pas une termitière (voir sur le coté gauche de la jeep), alors les deux pieds
enfonçaient pédales de frein et de débrayage en une fraction de seconde. J'avais le volant pour éviter le pare-brise, mon père le tableau de bord.
La crise de nerf n'était pas de mon age mais j'en étais pas loin. Je crois mème avoir laché de gros jurons
sans que le paternel se départisse de son calme. Il ne disait rien. Nous avons fini par atteindre un village vers
une heure du matin. Le chef du village nous trouvait trés vite une case non sans s'ètre inquité de savoir
si nous ne voulions pas nous restaurer qd mème un peu. Je m'effondrais, mais le gaby lui n'a pas dormi. Il ne voulait
pas rater le prochain passage d'un véhicule quelconque.
Fianarantsoa - Tuléar par la route Nationale 7 (Tournage: Tonimangenot)
Les routes du sud. Zébus remontant sur Ambalavoao, feu de brousse,...La Table en approche de Tuléar,...
Ci-contre, le bi-plan "Domini". Un excellent planeur, et il valait mieux. Je vous raconterai pourquoi un autre jour, promis. Encore un modèle chez Jean SALIS
Sur l'aérodrome de la Ferté Alais (Essonne). Je crois qu'ils l'appellent "Le Dragon".
Ce jour la donc, nous attérissons à Beroroha. Le domini n'avait pour seuls passagers que mon frère et moi. l'avion avance tranquillement vers la case-mate
qui servait d'aéroport. S'arrète et ? rien, personne, pas le moindre petit comité d'accueil. L'aéroport, autant que le terrain,
deserts.
Colère rentrée de Montagne, notre pilote. Il avise, valises, colis, sacs postaux destinés à beroroha et les balance
les uns aprés les autres en bordure de piste puis reprend les commandes. Nous n'avions pas bougé de nos sièges
mon frère et moi. L'avion décolle, se dirige alors vers le village, Il passe
au dessus de la rue principale à basse altitude et à vitesse lente. Nous rejoignons à nouveau le terrain d'aviation. Un léger virage sur l'aile,
la piste se présente bien face à nous, nous la prenons en enfilade, mais la descente de notre domini s'arrète à 1 mètre du sol. En clair, on ne se pose pas tout en étant trés trés bas.
Les sensations fortes étaient à venir. En bout de piste, une brusque glissade sur l'aile droit et l'avion plonge dans le fleuve
mangoky qui coulait à proximité. Et je dis bien: plonge. L'avion bascule de 90°. Mon hublot sur ma droite se retrouve entre mes jambes. Et la, sous mes pieds
défilent les eaux du fleuve. Son acrobatie terminée, Montagne redresse. Pour voir alors les berges du fleuve, il faut lever le nez. Nous sommes vraiment descendu
dans son lit. Ce sont alors une succession de virages sur la droite, sur la gauche sur une quinzaine de Kms et enfin l'avion se remet
à reprendre tout doucement de l'altitude. Montagne avait donné l'illusion aux responsables "Air Mad" du village qu'il attérissait à nouveaux
alors qu'il n'en était rien mais ne tenait évidemment pas qu'ils s'en apercoivent. Depuis, le grand huit me laisse de marbre, mème pas peur...
Autre avion ayant desservi les lignes intérieures malgaches dans les années 50: le JUNKER ou JU 52 (Photo André BRIFFAUT ci-contre).
Ici un lien sur une sortie en JU 52 d'une classe en vacances du coté de Neuchatel. Par contre, il s'agissait la incontestablement d'un junker super équipé.
Avec ces sièges la!!! mazette.
Site de la compagnie, ici. Une visite au moins pour les photos.
Vol de deux junker sur l'aérodrome de la
Ferté Alais
Aura trés vite succédé au junker le légendaire et particulièrement robuste DC3. Ce DC3 que vous retrouvez régulièrement dans les bandes dessinés de Buck Danny et sa petite équipe.
Débarquement à Saint Denis de la Réunion.
En l'année, je dirais, 1948, maman décidait d'un voyage pour l'ile de la Réunion.
Elle estimait qu'il était temps que sa grand-mère dans l'ile fassent enfin connaisance
de ses arrière petits enfants. D'Ankazoabo, nous gagnons donc Tamatave pour y prendre le bateau.
A tamatave, le commandant de bord refuse d'embarquer femmes et enfants à destination
de l'Ile de la Réunion. On annoncait un temps cyclonique sur les iles de l'océan indien.
Vous me direz, tous les ans à la mème période, on annonce un temps cyclonique sur l'océan indien.
Mais cette fois, le commandant appréhendait le pire et estimait de son devoir de prendre les mesures en conséquence.
De son coté, pour ma maman, il n'était pas question qu'elle resta à quai. Elle avait
décrété qu'il lui fallait absolument aller présenter ses enfants à sa grand mère et elle n'en démordrait pas.
Nous n'avions effectivement encore jamais rencontré notre arrière grand mère.
Elle vivait à Hell-bourg au pied du piton des neiges dans la montagne.
"Madame, si vous embarquez sur ce bateau, vous le ferez à vos risques et périls".
"Je prends le risque" rétorque ma maman. "Puisque vous insistez, vous devrez me signer un papier".
Ce qui fut fait.
la traversée fut effectivement particulièrement agitée. En vue de l'ile de la Réunion,
nous n'étions pas pour autant au bout de nos peines. Eu égard à l'état de la mer,
il n'était pas question d'aller à quai, au port. Le bateau procèderait au déchargement,
de ce que le commandant estimait possible de décharger, en haute mer.
Mais débarquer la marchandise Boyer, par une mer démontée, sur le remorqueur venu à la rencontre du bateau
ne devait pas faire partie des taches ordinaires de l'équipage. Aprés quelques interrogations,
nous vimes un des officiers se rendre dans la salle à manger,
qui avait par ailleurs trés peu servi, et pour cause.
Il en revient avec une table carrée
qu'il renverse au milieu d'une grande bache, les pieds en l'air. il rabat les quatre angles de
la bache au dessus de la table, confectionne un noeud comme seuls les marins savent en faire,
et fait signe au grutier d'approcher le crochet. Il prend place debout sur le dos de la table
et invite la famille Boyer à prendre place. Mon père debout face à l'officier, ma mère le frangin et moi
accroupis dans le fond de ce que je crois pouvoir qualifier maintenant de nacelle.
Le commandant nous fit ses adieux par un rassurant
"Allons-y, accrochez vous fermement. la famille Boyer à la mer". Et nous v'la dans les airs, balançant au dessus du bastinguage
avec en point de mire, quinze mètres en dessous, le remorqueur qui montait, descendait, cognait, remontait laissant
clairement comprendre que l'attérissage ne serait pas de tout repos.
Eh bien apparemment, le grutier connaissait son boulot et devait ètre particulièrement expérimenté.
Il s'agissait quand mème d'un pilotage 3D. Positionnement au-dessus de la plateforme du remorqueur
et accompagnement de la maneuvre en profondeur dés le contact pour amortir le choc.
Que les honneurs lui soient ici rendus, Il s'acquittait de la tache avec une dextérité
qui aura forçé l'admiration de la famille.
Il réussissait à amener le contact sur un sommet des déambulations du remorqueur
pour tout de suite laisser filer la charge. Et au signal de l'officier,
"Tout le monde dehors". Il restait seul dans la nacelle qui s'envolait aussitot
pour retrouver le pont du bateau.
Enfin nous débarquions sur l'ile de la Réunion. Nous regrettions seulement n'avoir pas pu le faire
comme tout un chacun en descendant tout simplement une passerelle.
Une journée cette fois peu ordinaire.
Ce jour la, nous sommes chez nous dans Ankazoabo. En début de matinée, maman éclate soudainement en sanglots. Pour qui? pour quoi? comment? on n'y comprend rien,
elle non plus d'ailleurs. Qu'est ce que tu as maman? Tu as mal ou? Mais je n'ai rien,
je me sens mal c'est tout. Et ses pleurs vont de plus belles. laissez moi tranquille. Elle reprend mème le lit. On fait venir le Gaby. Le Gaby c'est
son mari, mon papa quoi (Ca vous le saviez déja). Mais explique toi quand mème. Tu veux que je prévienne Randrianbelo. Le seul médecin à 100 kms
à la ronde mais heureusement affecté à Ankazoabo. Le toubib vénéré de la région. Eh bien non, ça va passer, ne le dérange pas. Je crois que
nous n'avons mème pas eu l'idée de la faire boire. Elle a peut-ètre réclamé une tisane pour tout repas à midi. Dans
l'aprés-midi, elle pleurait encore. Inconsolable. Et puis, la consoler de quoi ? La, nous étions mals. Ca n'était vraiment pas son genre.
Le soir arrive et comme c'est toujours le cas sous les tropiques, la nuit tombe aussitot. Pas de problèmes. Elle se réveille le lendemain
comme si de rien n'y était. L'incident était clos.
Trois jours plus tard nous recevons un télégramme. Il nous parvenait de
Hell-bourg, une bourgade dans la montagne sur l'Ile de la Réunion (Voyez sur la carte. La Réunion est complètement à droite, en plein océan Indien, en dehors de l'épure, à hauteur de Tamatave). Ce télégramme nous aprenait le décés de la grand-mère
de ma maman. Elle décédait le jour mème ou ma maman avait éclaté en sanglots, dans cette brousse malgache, et ce à une heure prés. De fait c'était sa grand-mère qui l'avait élevée.
Sa maman avait péri en mer dans le naufrage du bateau qui l'amenait de Saint Denis à Tamatave.
Eh bien vous savez quoi? Depuis, je ne traite plus à la légère les prémonitions.
Dans les années 50, un mois de juillet, nous nous étions rendus sur la concession.
(Concession? Je dirais ici: lopin de terre concédé par l'état pour une période déterminée).
Nous y plantions des pois du Cap (Cap come cap de bonne espérance). De gros haricots à
partir desquels les anglais fabriquaient des biscuits pendant la guerre. Ces
pois du cap étaient acheminés sur la cote, à Morombé, en pirogues sur le fleuve Mangoky.
Notre concession se situait sur les bords du fleuve mais pourrait-on dire du mauvais coté car il fallait
traverser le fleuve en venant d'Ankazoabo notre base arrière. Et passer le bac était chaque fois une
prouesse surtout en camion.
Coté matayers, pour le travail aux champs, Le "fanakena" était basé sur le partage. Moitié-moitié. Une moitié pour le colon, l'autre moitié à partager
entre les métayers. ils étaient une quinzaine. Un principe quelque peu Autorégulateur par ailleurs. Ils ne rechignaient pas à la tache
car d'une certaine façon ils travaillaient pour eux. Et il fallait éviter les embauches supplémentaires
question partage quoi.
(Fanakena: Les arrangements. Ce dont on convenait)
Mais, Venons en aux faits.
Un matin, Toukik, le chef du village, je lui rends ici un hommage fervent car on l'appréciait beaucoup nous, autant que les villageois, vient voir mon père et lui dit "Vaza nous avons reçu un émissaire du bandit (Dahalo)
que je nommerai Untel. Pas vraiment malgache par le fait mais bon pour un bandit je ne vais pas me creuser la callebasse.... En tout cas, sa réputation n'était plus à faire, c'était la terreur de la région.
Toukik poursuit; "Son boss nous fait savoir qu'il faut lui préparer pour dans 48h, s'ensuit l'énumération
des exigences du bandit de grand chemin (Boeufs, poulets, sacs de paddy, sac de pois du cap, argent etc...)
, faute de quoi le village est attaqué". Perplexité, Moment de réflexion de la part de mon père, mais Toukik continue
"Nous nous sommes déja réunis vazaha et nous attendons ta position. Mais Pour nous, puisque tu es la, il ne faut pas céder.
Nous sommes préts à nous battre. Nous allons nous organiser, j'ai un fusil. Nous pensons que tu es
aussi armé. Quelle réponse dois-je lui donner? Il était vrai que si ces bandits étaient des baralas, nos metayers
en étaient aussi et que s'il s'agissait d'en découdre eh bien ma foi........
Encore un temps de cogitation et mon père lui dit "Rapportes lui ceci: Nous ne sommes pas ici pour faire la police,
nous ne sommes la que pour travailler la terre. S'ils doivent passer par ici, qu'ils passent,
puisque le village semble ètre sur leur chemin. Par contre il n'est pas question qu'on leur cède quoi
que ce soit". Et le sort en était jeté. On faisait parvenir la réponse à notre "dahalo" il ne restait plus qu'à attendre.
La journée du lendemain se déroule comme à l'ordinaire. Le soir, quelques metayers prennent position
avec Toukik à l'entrée du village. C'était la aussi que se trouvait le parc à boeufs.
Deux ou trois autres s'installaient autour de notre case. Le reste, mais bien peu, se dispersait entre
les cases de façon à mettre tous les accés sous surveillance.
A la maison, nous disposions d'un fusil de chasse, d'une 22 long rifle et de deux révolvers.
A courte distance le fusil de chasse faisait plus de dégats que la balle d'une 22 long rifle.
C'était surtout dans le tir à distance que la 22 pouvait avoir quelque avantage.
M'enfin, je crois que le fusil de chasse avait été remis à un métayer. Maman se voyait gratifiée
d'un révolver. Mon frére et moi encore beaucoup trop petits. Mais j'avais mon "famack" une
machette qui me quittait rarement. On verrait bien.
Tard dans la nuit, un métayer vient renseigner mon père "Ils arrivent vazaha". Alors, "Va bien dire à
Toukik que nous ne faisons rien tant qu'ils n'attaquent pas. D'ailleurs, ne vous montrez pas non
plus cela pourrait passer pour une provocation". Le temps passe, le matayer revient nous voir, "Vazaha, ils sont passés".
Ouffff!!! A l'aube nous découvrions en effet au bas de la colline sur laquelle juchait le village une quantité de traces de
pas qui laissaient paraitre qu'ils devaient ètre une bonne vingtaine. Ils avaient contourné le village pour poursuivre
leur chemin vers quelques autres exactions. Pour Vondrové, le message était désormais parfaitement passé.
Pas question de céder aux menaces pour la plus grande satisfaction de l'ensemble du village malgré son isolement.
BOX
Nous avions recueuilli box alors qu'il n'était encore qu'un tout petit chiot, et ce
sur l'insistance une fois de plus de Claude-Henri. Maman n'en voulait pas vraiment d'un deuxième chien mais enfin,
de la place il y en avait, et la cour était grande. Elle avait cependant une légitime préoccupation: quel pourrait ètre son comportement
dans la boutique au milieu du va et vient des clients ? Eh bien box avait trés vite pigé.
Dans la cour, à l'arrière de la maison, c'était lui le patron. Dans la boutique tout client pouvait
le cogner, lui marcher dessus, le traiter de tous les noms, il ne bronchait pas. Il suffisait simplement que le quidam
se permettant pareilles libertés ne passe pas coté cour.
Adulte, Box était devenu un magnifique chien au caractère bien trempé. Box avait une copine, lily. Lily était la chienne des Bénel, le mari était le juge d'Ankazoabo.
Lily avait de l'allure, poil soyeux, tout blanc, petit museau fin. Tout pour plaire de l'avis de notre canin Don Juan.
Régulièrement, ce dernier rendait visite à sa chère lily, ce qui lui demandait de se rendre à la maison
du juge au bout du village, de pénétrer dans la demeure, de monter les escaliers pour se rendre au premier étage, de traverser
la chambre du couple pour aller retrouver lily sur le grand balcon. Sachant que rien ne l'arrèterait,
le juge dut nous faire part de ses griefs mais vraiment tout en s'en amusant.
Il faut dire que Box avait comme qui dirait ce gabarit et les crocs qui imposent naturellement le respect.
Et son appréciation de la situation devait ètre Du genre "Mèles toi de ce qui te regarde, pour l'heure, j'ai RdV et tu ne m'arrèteras pas".
Cela dit, box avait un gros défaut. Autant il avait un comportement exemplaire à la maison tant dans la boutique
que coté cour, quand il était dans la rue, il ne supportait pas le passage des camions.
A chaque passage d'un camion il se mettait à courir au devant de celui-ci tout en aboyant avec un message dans les yeux: "Tu ne passeras pas".
Les chauffeurs finissaient toujours par l'éviter jusqu'au jour ou l'un d'entre eux, excédé, a tout
simplement appuyé sur l'accélérateur et lui a passé dessus. La scène s'était déroulée juste devant notre maison (Cf: photo ci-contre prise de l'endroit du drame). J'étais dans la chambre des parents
quand j'entendis un hurlement venant de la rue, Box venait d'ètre écrasé.
Le hasard a voulu que pas trés loin derrière le camion, qui avait continué son chemin, suivait la jeep du juge au bord de laquelle
se trouvait Lily. Box était encore étalé de tout son long au milieu de la route. Mr Bénel
dut freiner et s'apprétait à contourner le corps quand lily bondit du véhicule pour se jeter
sur box et se mettre à hurler à la mort. Inconsolable la chienne et quel tableau de la voir
recouvrir ce corps inanimé en hurlant et pleurant. Récemment dans l'émission 30 millions d'amis sur FR3,
un quidam s'interrogeait de savoir s'il pouvait y avoir de l'amour entre un chien et une chienne.
Je suis persuadé que oui. Enfin, ce jour la a été la seule fois ou j'ai pu surprendre mon père avec
la larme à l'oeil.
PS: Je dois rapporter tout de mème que deux journées plus tard, le chauffeur venait voir ma mère
pour lui présenter ses excuses. Il ne savait pas que c'était le chien des Boyer.
MANDINE
Le tire au flanc indispensable.
Parmi les métayers de notre petit commerce à Ankazoabo, Mandine était une figure à part.
Mandine était tout simplement une force de la nature. Plutot petit, rablé, mais doté d'une force
prodigieuse. Ces courtes jambes arquées, son torse volumineux, il n'était que muscles, tout en affichant en permanence
un petit sourire tranquille.
Seulement voila, Mandine ne s'attaquait qu'aux taches de son niveau. C'est à dire que passer
un petit coup de balai par ici ou ranger quelques boites de conserve par la,
ça n'était vraiment pas digne de sa puissance musculaire, il laissait ces menus travaux
aux petits camarades pendant qu'il allait somnoler tranquillement à l'écart. Fallait quand mème pas déconner.
Vous allez me dire, mais puisqu'il ne servait à rien, ou à pas grand chose, pourquoi ne pas s'en défaire ?
Eh bien non, parceque quand les choses se compliquaient sérieusement, c'était mandine
qui réglait le probléme, et pour cause.
Et puis, mandine était propriétaire d'une charette
et de deux boeufs (Je n'ai plus leurs noms en tète mais sur le bout des lèvres si).
Un attelage pratique pour les livraisons urbi et orbi. Apparemment
ces boeufs semblaient avoir compris à qui ils avaient affaire, en clair ils filaient droit.
Pas de fausses notes, Mandine en faisait ce qu'il voulait et... uniquement à la voix.
Mandine, c'était celui qui causait à l'oreille des boeufs.
"Accroupis les deux" et les boeufs descendaient sur leurs pattes pour permettre la mise
en place des arceaux de la charette. "Debout", les boeufs se redressaient mais ne bougeaient
toujours pas tant que le signal de départ n'était pas donné (aléfa). Quant à, "à gauche", "à droite", "tout droit", c'était le b a ba etc....
Des boeufs impossibles à voler, pourtant dans une région ou c'était la première activité économique. Deux raisons à cela, tout le monde savait à qui ils appartenaient
et ça suffisait évidemment à les protéger efficacement.
Si Mandine parvenait à rattraper les voleurs, c'était gros gros soucis pour ces derniers.
Préférable ne pas tenter l'expérience .
Et puis, si on tentait de les embarquer avec d'autres congénères ,
aucun bouvier était suffisamment solide pour les retenir.
Ils revenaient systématiqement dans leur enclos. Mandine avait du leur glisser au creux de l'oreille
"c'est ici que je veux vous retrouver et pas ailleurs". Valait mieux respecter la consigne.
Quand Mandine, au milieu de la journée, n'avait plus besoin de leurs services, d'un petit geste de la main
il leur demandait de rentrer tout seul à la maison.
Un matin, je ne sais plus trop bien de quel méfait s'étaient rendus coupables les deux boeufs mais Mandine
n'avait pas du tout apprécié, il était entré dans une colère noire (noire !! ah ben c'est facile ça tient ? très drole !!! Croyez bien, je n'aurais jamais osé
hasarder le jeu de mot en sa présence)
il a poussé une beuglante (le terme est approprié cette fois) et surtout,
il leur a jeté un regard qui a proprement térrorisé nos deux bovins. Voir un boeuf tremblant de peur,
c'est pathétique je vous l'assure. Ils ont tous les deux tourné les talons et détalé
à travers la cour, tourné dans la rue derrière la maison et se sont enfuis.
Mandine n'a pas du tout couru après, il a simplement dit "Pas nécessaire, ils retournent dans l'enclos", en périphérie du village.
Un autre jour, un camion vient d'arriver dans la cour pour une livraison de futs, vraisemblablement
des futs de vin pour le commerce. Les futs sont à entreposer dans un hangar. Trois métayers s'affairent donc
tandis que mandine s'adonne à sa petite sieste sous un killy (Arbre) à une vingtaine de mètres de la.
Du coin de l'oeil il observe tout de mème ses petits camarades et on sent bien que la scène commençe
à l'exaspérer. D'abord, comment positionner le fut dans le camion ?
allaient-on le faire basculer ou plutot rouler ? et puis fallait-il deux dans le camion, le troisième au sol
à la réception ou l'inverse. Et surtout, qui s'y collait à la réception ?
Pour mandine, C'en est trop, il commence à fatiguer lui-mème. Il se met debout sur ses petites jambes arquées,
s'approche du camion et demande simplement qu'on lui fasse rouler le fut vers lui.
Il s'en saisit, les mains agrippées de part et d'autre du fut. Celui-ci lui arrive sur l'estomac, il soulève et demande "Je vous le dépose ou ?".
Mandine ? c'était ça, en plus d'un facteur de stabilité pour la petite communauté des Boyer. Aussi, pas touche à
son statut de tire au flanc.
Teaser "Du graffiti dans les voiles" (JACE / GOUZOU)
REDIF
Mon père devait parfois s'absenter pour aller s'approvisionner à Tuléar. Il fallait regarnir les rayons de la boutique.
Nous restions seuls mon frère et moi avec ma mère et la compagnie d'un de ses cousins venu de la Réunion
pour assurer la direction des affaires en l'absence de mon père.
Les nuits toutefois, à tour de role, les métayers assuraient la garde sur la véranda de la maison.
Cette nuit la, c'est Rédif qui s'y colle, il vient installer sa natte et nous souhaiter bonne nuit.
Il pouvait ètre minuit ou une heure du mat quand des éclats de voix se font entendre coté véranda.
Un client s'était mis en tète de se faire servir une bouteille et demandait à ce qu'on rouvre la boutique.
Dans la chambre de ma mère, bouboule, un petit coton de Tuléar, vient très vite consulter ma maman.
Il lui fallait savoir si il devait donner de la voix ou réprimer ses aboiements. Et ma mère lui fait fermement
"chuuttt! tais toi".
Au dehors on entend Rédif "Pas question de déranger madame à une heure pareil. Tu reviendras
demain matin à l'heure d'ouverture" et notre quidam le prend de haut.
"Mais dis moi, tu sais à qui tu as affaire la ? J'appartiens à la garnison de ce village, je suis un milicien
et tu vas réveiller madame pour qu'elle me serve"
Les échanges verbaux commençaient de toute évidence à prendre
une drole de tournure et La réponse ne se faisait pas attendre,
"Je me fouts de savoir si tu es milicien ou pas, je sais pour l'instant que tu ne passeras pas
le seuil de cette véranda".
Est-ce le ton ou la stature de Redif qui avait suffit à convaincre notre va t'en guerre,
mais il du regagner sa garnison bredouille. Aujourd'hui encore je me dis qu'en définitive,
il avait eu de la chance notre petit milicien car si cette nuit la ça avait été
Mandine qui assurait la garde, la, il manquait forcément un milicien à l'appel le lendemain
à la garnison. Au mieux on le retrouvait à l'infirmerie.